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Pourquoi les élus ont violé la constitution en se réunissant pas de plein droit? (Ntumba Luaba)

Professeur de droit international public à l’université de Kinshasa, docteur en droit de l’université de Nancy, Alphonse Ntumba Luaba a constaté que l’Assemblée nationale et le Sénat n’ont pas respecté la Constitution en ne se réunissant pas de plein droit après la proclamation de l’état d’urgence.

Voici son analyse sur la situation:

En effet, la Constitution est claire en son article 144 : dès que  » l’état d’urgence est déclaré par le Président de la République « . »L’Assemblée et le Sénat se réunissent alors de plein droit.  » Pourquoi ne s’étaient-ils pas normalement réunis à la suite de la publication de l’Ordonnance No 20/014 du 24 mars 2020 décrétant l’état d’urgence en RDC?, s’interroge le professeur Alphonse Ntumba Luaba qui explique que « de plein droit  » ( de plano en latin) signifie sans attendre une quelconque formalité ou une quelconque autre procédure ou intervention.

Que visaient les tenants du congrès « historique »?

Il y a lieu de se demander pourquoi les deux Chambres parlementaires ne se sont pas réunies de plano. L’explication est simple, les deux Présidents et leurs experts ont crû trouver un stratagème opportun et pouvoir « coincer » le Président de la République par le recours à l’article 119 et éventuellement déclencher d’autres mécanismes par voie de motion incidentielle. D’aucuns annonçaient déjà un Congrès à portée historique qui allait s’inscrire dans les Annales de la République.

L’intervention de la cour constitutionnelle pour le salut du peuple

C’était sans compter avec la grande sagesse de la Cour Constitutionnelle qui, en ce temps de pandémie mondiale de Coronavirus , a fait montre de beaucoup de réalisme et d’une compréhension de l’adage « Salus populi suprema lex » ( le salut du peuple est la loi suprême), dans son arrêt du 14 avril 2020 ,en déclarant conforme à la Constitution l’ordonnance présidentielle portant proclamation de l’état d’urgence.

Et le Président qui convoque les deux chambres à se réunir…

Étonnant que l’Assemblée nationale et le Sénat , en Chambres républicaines, n’aient pas saisi cette occasion pour se réunir de plein droit…Qui leur en aurait fait grief ? Dès lors il a bien fallu attendre le déroulement de la période de l’État d’urgence proclamé le 24 mars par le Président de la République et validé par la Cour Constitutionnelle. Et c’est donc à juste titre que le Président de la République a, par ordonnance du 20 avril 2020 modifiant et complétant l’ordonnance No 20/014 du 24 mars 2020 décrétant l’état d’urgence sanitaire en RDC, a convoqué par dérogation, l’Assemblée nationale et le Sénat pour se réunir à plus de 20 personnes dans les conditions de quorum prévues par la Constitution et leurs règlements intérieurs…

Par respect pour la Constitution, il ne pouvait que signifier que sa demande d’une telle séance concerne uniquement la prorogation de l’État d’urgence proclamé le 24 mars 2020.C’est une limitation que lui impose l’article 144 de la Constitution…..Car l’état d’urgence cesse de plein droit « …à moins que l’Assemblée nationale et le Sénat, saisis par le Président de la République sur décision du Conseil des ministres, n’en aient autorisé la prorogation… ».Si le Président de la République avait sollicité les Chambres d’examiner également en priorité l’une ou l’autre question, c’est alors et alors seulement que l’on aurait pu parler d’un abus ou de non non-respect du principe fondamental de la séparation des pouvoirs.

Il n’a aucunement suspendu les sessions ordinaires des deux Chambres, ce sont celles-ci elles-mêmes sur la base de on ne sait quelles dispositions avaient suspendu sine die leurs sessions ordinaires ou séances. Encore ici une autre justification de l’expression « Par dérogation ». D’ailleurs après avoir statué dans la séance consacrée à la question de l’état d’urgence et ayant vidé cette question, les deux Chambres peuvent réunir la Conférence des Présidents , fixer leur agenda et continuer à se réunir dans le respect des mesures sanitaires. Elles sont encore en sessions ordinaires et l’ordonnance présidentielle ne touche pas auxdites sessions.

Et si le parlement ne se prononce pas à temps sur la prorogation?

Qu’arrivera-t- il alors si les deux Chambres ne se prononçaient pas à temps ou ne se réunissaient dans les délais utiles à la prolongation ? Logiquement, en application de l’article 144 l’état d’urgence cesserait de produire ses effets.

Que pourrait alors faire le Président de la République ? Soit ressaisir la Cour Constitutionnelle pour faire constater la carence et l’inaction de l’Assemblée nationale et du Sénat, et, en conséquence, l’autoriser à mettre en application l’ordonnance, car les conditions sanitaires n’ont pas changé. Soit ,après l’écoulement d’un délai d’attente ou de patience raisonnable, ayant constaté que les conditions sanitaires n’ont pas changé, il pourra relancer la procédure de l’état d’urgence par un nouveau recours à l’article 85, à la limite.

Sinon, il faudra bien constater la persistance éventuelle d’une crise institutionnelle empêchant le bon fonctionnement de l’État et en tirer les conséquences. En réalité, le débat actuel est relancé par ceux qui ont manqué l’opportunité de recourir à l’article 119 et au Congrès, avec des visées multiples.

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