Malgré les lobbyistes de Moïse Katumbi à Washington, qui tâchent de distendre les liens privilégiés tissés par l’administration de Joe Biden avec celle de Félix Tshisekedi, la diplomatie américaine, rangée derrière le suractif ambassadeur à Kinshasa Mike Hammer, reste mobilisée en faveur du chef de l’Etat congolais.
A peine le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken a-t-il achevé sa longue conversation téléphonique avec le président congolais et président en exercice de l’Union africaine (UA) Félix Tshisekedi le 20 juillet que le Département d’Etat a procédé à une annonce à ce sujet. Celle-ci a aussitôt été relayée sur les très actifs réseaux sociaux de l’ambassade américaine à Kinshasa, qui faisait part également de la signature d’un partenariat de développement de cinq ans et de 1,6 milliard de dollars avec la RDC.
L’ambassadeur Hammer sur le départ
Cette communication agressive est réalisée sous l’égide du principal avocat de l’administration Tshisekedi à Washington, l’ambassadeur américain Mike Hammer. Il a d’ailleurs joué un rôle crucial dans la mise à l’écart de Joseph Kabila et de ses associés, tout particulièrement le diamantaire Dan Gertler, placé sous sanctions américaines, et la consolidation du pouvoir de Tshisekedi.
Arrivé au terme de ses trois ans de mission, Mike Hammer doit quitter son poste dans l’année qui vient. Dans la dernière ligne droite de son mandat, le diplomate milite pour étendre les sanctions qui visent les anciens collaborateurs de Kabila à plusieurs personnalités de la vie économique congolaise qui ont travaillé avec l’ancien chef de l’Etat, aux premiers rangs desquels l’actuel président du conseil d’administration de la Gécamines, Albert Yuma. Ces nouvelles sanctions, si elles sont validées par le département du Trésor, constitueraient une sorte de cadeau d’adieu du diplomate américain envers l’administration Tshisekedi.
Katumbi se positionne
Hammer parti, le président congolais perdra un relais précieux à Washington. Sans attendre, l’homme politique et magnat des services miniers Moïse Katumbi s’active pour profiter de cette fenêtre de tir et travailler l’administration de Joe Biden. Objectivement alliés – le mouvement Ensemble pour la République de Katumbi est membre de « l’union sacrée » dont est issu le gouvernement congolais -, les deux hommes ont vu leurs relations se dégrader considérablement ces derniers mois. L’une des raisons n’est autre que le projet de loi soumis à l’assemblée nationale par Noël Tshiani, député pro-Tshisekedi, qui propose de limiter les candidatures à l’élection présidentielle aux personnes nées de père et de mère congolais. Ne remplissant pas ces conditions, Moïse Katumbi serait théoriquement exclu du scrutin présidentiel de 2023, auquel il compte pourtant se présenter.
Plus anecdotique, le président Tshisekedi n’a récemment pas donné suite à la sollicitation de Moïse Katumbi de l’appuyer dans son différend foncier avec Jaynet Kabila, sœur jumelle de l’ancien président Joseph Kabila, dans la province du Tanganyika.
Le nouveau lobbyiste de Moïse Katumbi, Stephen Kupka, du cabinet King & Spalding (AI du 16/06/21), multiplie les rencontres avec les parlementaires et a même recruté, à cet effet, un poids lourd du lobbying dans la capitale américaine : l’ancien élu républicain Ed Royce, qui a présidé la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants de 2013 à 2019 et fut, durant plus de quinze ans, l’inamovible président du sous-comité Afrique de cette même chambre. Le tandem Royce-Kupka travaille à présenter Katumbi comme le candidat naturellement aligné sur les intérêts des Etats-Unis, pro-business et très mobilisé sur les questions de corruption. Royce a brièvement croisé le secrétaire d’Etat Antony Blinken à une réception le 14 juillet, une rencontre immédiatement relayée par les communicants de Katumbi et diffusée dans la presse.
Les lobbyistes de Katumbi jouent sur du velours : le magnat des services miniers est déjà très identifié par des figures importantes de l’administration Biden, dont la représentante américaine aux Nations unies, Linda Thomas-Greenfield, dont la voix est prépondérante sur les questions africaines. Sous-secrétaire d’Etat pour l’Afrique de Barack Obama de 2013 à 2017, Linda Thomas-Greenfield fut, ensuite, la responsable « Afrique » du cabinet de conseil et d’influence Albright Stonebridge Group fondé par l’ancienne secrétaire d’Etat Madeleine Albright (AI du 02/12/20). Or, par le biais de ses nombreuses entreprises, Moïse Katumbi a confié plusieurs missions de conseil stratégique à Albright Stonebridge.
Ayant massivement investi dans le lobbying sous le mandat de Donald Trump, avec des résultats limités (AI du 13/11/20), Tshisekedi s’est, de son côté, séparé de ses lobbyistes américains, que sa bonne relation avec l’administration Biden a rendus redondants. Une désaffection qui laisse le champ complètement libre aux avocats de Katumbi.
CONGOINTER avec AfricaIntelligence