« On s’apprêtait à fuir quand la bombe est tombée sur notre maison ». Furaha Twizere, 35 ans, alitée dans un hôpital de Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), raconte l’enfer des habitants pris entre les tirs d’artillerie de l’armée congolaise et ceux de la rébellion du M23.
Les jambes emportées par l’explosion, le mari de Furaha meurt sur le coup. Elle est en vie, gravement blessée et enceinte de jumeaux.
« Mes jambes étaient déchirées, mais la Croix-Rouge a pu me récupérer », raconte-t-elle à une équipe de l’AFP. Elle est bringuebalée dans plusieurs centres de santé, mais « tout le monde fuyait les bombardements », y compris le personnel de santé.
Après quatre mois de calme relatif, les combats ont repris le 20 octobre entre les miliciens du M23 et l’armée congolaise.
Les militaires ont abandonné de nombreuses positions pour se replier à une vingtaine de kilomètres de Goma, la capitale du Nord-Kivu, ville de plus d’un million d’habitants assise sur la frontière avec le Rwanda.
Après l’explosion, un moto-taxi charge Furaha à l’arrière de son engin et tous les deux traversent les lignes de front sur la route nationale 2 en direction de Goma, abandonnant derrière elle ses cinq enfants, livrés désormais à eux-mêmes.
Arrivés à 30 kilomètres de la ville, une ambulance du Comité international de la Croix-Rouge la récupère. Elle est transportée jusqu’à l’unité de prise en charge des blessés de guerre du CICR, où elle est soignée depuis près d’un mois.
Moins de 10 patients y ont été admis depuis la reprise des combats fin octobre, « parce qu’ils n’arrivent pas à traverser la ligne de front », s’écrie Annekathrin Müller, cheffe du « projet chirurgical » du CICR hébergé dans un hôpital protestant à Goma.
Le projet a vu le jour il y a exactement 10 ans, au moment où, déjà, le M23 gagnait du terrain au Nord-Kivu.
– « Que la guerre se termine » –
« Si un couloir humanitaire est ouvert, on risque d’avoir beaucoup de blessés qui arriveront ici », prévient cette infirmière allemande de bloc opératoire. Elle est très inquiète à l’idée de l’état dans lequel les blessés leur seront amenés et du nombre d’amputations qu’il faudra effectuer.
Une situation aggravée par le pillage de certaines structures de santé dans les zones d’affrontements, où « les médicaments ont été volés et le personnel est en fuite », décrit-elle.
Dans le bloc opératoire du CICR, Rebecca, 22 ans, enceinte de son deuxième enfant, se fait recoudre la tête.
Depuis qu’ils ont fui les combats, elle et sa famille vivent dans la boue d’un camp informel pour les déplacés au nord de Goma.
C’est dans son abri de fortune qu’elle a été attaquée la veille à coups de machette, « par un bandit », explique-t-elle, avant que les larmes ne coulent sur ses joues en évoquant la mort de sa tante, quelques jours plus tôt, au cours de leur fuite.
Après son opération, Rebecca ira dans le pavillon des blessés de guerre rejoindre Furaha, qui a finalement accouché de deux jumeaux grâce à une césarienne.
Les deux bébés se portent bien et, après plusieurs semaines d’angoisse, elle a finalement pu parler au téléphone avec ses autres enfants, récupérés par une voisine dans son village de Kalengera – sauf un, qui a reçu une balle dans l’épaule entre-temps et est soigné dans un centre de santé de la zone.
Aujourd’hui Furaha est veuve avec sept enfants à charge, dont deux nouveau-nés. Elle aimerait rentrer chez elle mais sa maison est détruite, « on ne sait plus où habiter », bredouille-t-elle, la jambe droite attachée à son lit d’hôpital. « J’attendrai que la guerre se termine, seulement là nous pourrons rentrer. »
Avec AFP