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RDC – Massacre de Kishishe : « On mettait 3 ou 6 personnes dans un même trou… » (Témoignages)

« On mettait trois ou six personnes dans un même trou… » Rukundo raconte avec effroi comment il a été contraint par les rebelles d’enterrer les morts du village de Kishishe, dans l’est de la RDC, où un massacre de masse a été commis par les rebelles M23 soutenus par l’armée rwandaise.

Un autre habitant du village, Mukiza, interrogé lui aussi par téléphone par l’AFP depuis Goma, à environ 70 km au sud de Kishishe, assure avoir vu de ses yeux « six fosses communes, dont quatre à l’église adventiste », où beaucoup de gens ont été tués, dit-il.

Tous racontent comment des miliciens « maï-maï » sont arrivés ce mardi 29 novembre dans le village, où ils ont affronté le M23, une rébellion majoritairement tutsi.

A ce moment-là, une trêve tenait entre le M23 et l’armée loyaliste, mais des milices communautaires (« maï-maï »), continuaient de combattre pour bloquer l’avancée du M23 en direction du territoire voisin de Masisi. « Ayant échoué à prendre le village, les maï-maï ont fui », explique Mukiza. Et c’est là, affirme-t-il, que « les rebelles ont commencé à tuer tout ce qu’ils voyaient », assimilant les habitants aux miliciens qu’ils venaient de combattre.

L’armée congolaise a accusé jeudi le M23 d’avoir massacré au moins 50 civils et, le lendemain en conseil des ministres, le gouvernement estimait à « plus d’une centaine » le nombre de morts. Le M23 a nié avoir commis un tel massacre.

Le bilan est difficile à établir de source indépendante, faute d’accès à cette zone sous contrôle rebelle.

Une source médicale, qui requiert l’anonymat, déclare à l’AFP que 117 morts ont été enregistrées. « Bunyama: 33; Kilama, à l’église adventiste: 64; Kishishe-centre: 4; Kongakonga: 4; Kiko: 12 », précise cette source, en énumérant les sites martyrs. « Les rebelles ont eux-mêmes enterré mardi et mercredi les victimes, en disant que c’étaient des maï-maï », ajoute-t-elle.

– « Des hommes et des jeunes » –

« Dans l’après-midi, quand le calme est revenu, ils ont rassemblé les hommes en leur disant d’enterrer les morts », témoigne Rukundo. A ce moment-là, beaucoup de femmes disaient « qu’ils avaient tué leur mari, pas des maï-maï ».

« Mardi avant la nuit, 17 cadavres ont été enterrés. On a enterré chacun là où il avait été tué, nous mettions trois ou six personnes dans un même trou… Les rebelles nous surveillaient. Tous ces gens étaient des hommes et des jeunes », poursuit Rukundo.

« Je suis sous le choc, difficile pour moi de raconter ce qui s’est passé mardi chez nous à Kishishe », souffle Mugenzi depuis son lit d’hôpital dans la localité voisine de Bambo.

« J’ai été blessé ce jour-là à la tête d’un éclat d’une bombe que le M23 a lancée », dit-il, ajoutant avoir vu les corps de « plusieurs membres de l’église adventiste ».

Selon lui, « l’ancien de l’église, James, et son garçon Ishimwe, ont été sortis de chez eux par les rebelles, qui ont cassé la porte de leur maison et ont tiré sur eux à l’extérieur ».

« Vers le soir, quand le calme est revenu, un habitant qui allait puiser de l’eau ma ramassé et ma amené à l’hôpital », dit tristement Mugenzi.

Un élu du Rutshuru, sous couvert d’anonymat, chiffre lui aussi le nombre de morts à une centaine. « Dans le village, il y avait des maï-maï, des FDLR, le M23, c’est difficile de savoir qui est l’auteur de ces tueries », constate-t-il.

Il estime que le M23 a effectivement pu tuer sans discernement des habitants assimilés aux miliciens, mais déplore aussi que les maï-maï « aient surgi dans une zone habitée ».

Un responsable de la société civile locale ajoute à cette « centaine de civils tués » à Kishishe, selon ses sources, huit autres villageois morts mardi non loin de là, à Kazaraho, tués alors qu’ils récoltaient des haricots.

Avec AFP

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