Il avait promis de mettre fin à la corruption: le président sud-africain Cyril Ramaphosa, chouchou de Nelson Mandela qui l’a distingué comme l’un des plus doués de sa génération, est tombé de son piédestal, sali par un scandale qui l’empoisonne depuis des mois.
Une commission parlementaire a assuré mercredi qu’il avait « pu commettre des violations et des fautes » dans le cadre d’un cambriolage raté en 2020 dans l’une de ses propriétés, qui a révélé une fortune en dollars cachée dans un canapé.
Rapidement, une question s’est imposée, entêtante: peut-il rester à la tête du pays? M. Ramaphosa a promis de s’adresser bientôt à ses concitoyens.
La route lui semblait pourtant toute tracée. Pressenti pour être reconduit en décembre à la présidence du parti au pouvoir, l’ANC, et repartir pour un second mandat à la tête du pays, tout s’est figé avec la menace d’une procédure en destitution qui plane désormais au-dessus de sa tête.
L’homme replet au visage rond âgé de 70 ans, parfois moqué pour son apparente bonhomie dissimulant un négociateur redoutable, a succédé au sulfureux Jacob Zuma en 2018, faisant de la lutte contre la corruption son cheval de bataille.
Mais une plainte déposée en juin l’accuse de ne pas avoir signalé le cambriolage dans sa ferme de Phala Phala, située à deux heures au nord de Pretoria, ni à la police, ni au fisc. L’affaire fait toujours l’objet d’une enquête de police.
Ce scandale, depuis des mois, fait « douter de sa probité et rappelle qu’il n’est pas un surhomme », estime auprès de l’AFP la politologue Susan Booysen, ajoutant que le président s’était jusqu’ici forgé une image d' »icône du combat » anticorruption.
De Mandela à Coca-Cola
Né le 17 novembre 1952 à Soweto, épicentre de la lutte contre l’apartheid près de Johannesburg, M. Ramaphosa a longtemps désiré la fonction suprême avant d’y accéder.
Étudiant en droit, il milite dès les années 1970 et passe onze mois à l’isolement en prison. Il se tourne vers le syndicalisme, rare moyen légal de combattre le régime raciste. En 1982, il fonde le puissant syndicat des mineurs qui fait trembler le pouvoir blanc avec des grèves massives.
Il est aux côtés de l’icône Mandela lorsqu’il sort de prison en 1990 et contribue à la transition démocratique. Candidat à la présidence de l’ANC en 1999, les caciques du parti lui préfèrent cependant Thabo Mbeki.
Ce père de quatre enfants s’éloigne alors de la politique et se tourne vers les affaires. Avec des intérêts dans McDonald’s ou Coca-Cola, il amasse des millions grâce au programme d’émancipation économique des noirs et entre dans le classement Forbes des 50 plus grosses fortunes d’Afrique.
Il développe une passion pour l’élevage de bovins rares, qui lui vaudra d’être surnommé « le buffle ». Sa richesse a parfois été un handicap, ses détracteurs affirmant que l’homme d’affaires passait avant le politique.
Ombre au tableau
En 2012, administrateur du groupe minier Lonmin, il est favorable à une intervention de la police contre les mineurs de Marikana en grève. Trente-quatre d’entre eux sont tués dans la pire fusillade policière depuis l’apartheid. Il n’est pas poursuivi mais aujourd’hui encore, certains le tiennent pour responsable.
Cette ombre au tableau ne l’empêche pas de revenir en politique. D’abord comme vice-président de l’ANC en 2012, puis du président Jacob Zuma en 2014. Ce qui lui vaudra plus tard des reproches sur son silence pendant cette ère de corruption.
Patient et stratège, il prend enfin la tête de l’ANC en 2017. Zuma évincé l’année suivante, il prend les rênes du pays.
Il est le fer de lance dans la bataille pour un accès équitable aux vaccins et sa gestion de la crise du Covid est saluée à l’international. Mais dans le pays, il a fait face à un mécontentement grandissant nourri par le chômage et de fortes inégalités.
Cyril Ramaphosa peine aussi à résoudre la crise de l’énergie dans la première puissance industrielle d’Afrique rongée par des coupures d’électricité chroniques.
AFP