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Nord-Kivu : 10 ans après son occupation par le M23, Goma de nouveau dans la crainte et l’incertitude

Il y a dix ans que les rebelles du M23 s’emparaient de Goma. Aujourd’hui, ils sont à quelques dizaines de km de la grande ville de l’est de la RDC, qui encore une fois vit dans la crainte et l’incertitude.

« Mes enfants refusent d’aller à l’école, ils pensent que ça peut éclater à tout moment », s’alarme Nsimire Foybé, vendeuse de pommes de terre et de haricots au marché coloré et animé de Birere où s’échangent les produits du Nord-Kivu, une région très fertile en plus d’être riche en minerais.

Depuis que le M23 a étendu son emprise dans le territoire rural de Rutshuru, prenant en juin la cité de Bunagana à la frontière ougandaise puis tout récemment plusieurs localités sur la route nationale 2 qui dessert la capitale provinciale, l’approvisionnement de la ville de plus d’un million d’habitants est devenu très compliqué. 

Les prix du riz, de la farine, des légumes, flambent et la population redoute la famine. « La situation va devenir intenable », s’inquiète Giramata Mwiza, grossiste à Birere, un des plus grands marchés de Goma.

Nsimire, 58 ans, mère de huit enfants, ajoute qu’une de ses collègues commerçantes a fait une fausse couche quand elle a appris que les rebelles du M23 avaient « dit dans un communiqué qu’ils arriveraient à Goma dans les trois jours ». « Elle est encore à l’hôpital », souffle-t-elle.

La ville, qui s’étire du pied du volcan Nyiragongo jusqu’au lac Kivu, paraît calme, l’activité semble normale, mais à chaque seconde les habitants cherchent à s’informer de l’évolution des combats, avec le front qui s’est dangereusement rapproché depuis fin octobre.

Certains ont été séparés de leurs familles par les affrontements et s’inquiètent pour elles. « Le M23 a pris Rutshuru-centre alors que j’étais à Goma », témoigne par exemple Emmanuel Bahati, motard, sans nouvelles de sa femme et de ses enfants, bloqués dans cette localité à 70 km au nord de Goma.

« Nous avons peur, ce sont des criminels », s’inquiète Issa Ruchekere, motard lui aussi. « S’ils arrivent ici, beaucoup de gens vont mourir car, pense-t-il, ils nous considèrent tous comme des FDLR », les milices hutu rwandaises qui comptent dans leurs rangs des auteurs du génocide des Tutsi rwandais de 1994.

« Nous en avons assez »

Le M23, pour « Mouvement du 23 mars », est une ancienne rébellion tutsi qui a repris les armes en fin d’année dernière, en reprochant à Kinshasa de ne pas avoir respecté des accords sur la démobilisation de ses combattants. Les Congolais accusent leur voisin rwandais de soutenir activement cette rébellion et viennent d’expulser l’ambassadeur du Rwanda en RDC.

Mwisha Dina, père de famille qui habite le quartier Ndosho, à l’ouest de la ville, se souvient bien de ce jour de 2012 quand, depuis une petite colline, il a vu surgir « des hommes en tenue militaire », « des Rwandais » selon lui. « Toute la nuit et le lendemain, nous étions sous les tirs d’armes lourdes. Je ne voudrais pas que ces jours se répètent », déclare-t-il.

Le M23 avait pris le contrôle de Goma le 20 novembre de cette année-là et occupé la ville pendant une dizaine de jours, avant de s’en retirer contre une promesse de dialogue avec Kinshasa. L’année suivante, le mouvement rebelle était défait par l’armée congolaise et les Casques bleus de l’ONU.

A l’époque « il y a eu beaucoup d’exactions », assure également Vicar Batundi, acteur de la société civile, qui redoute lui aussi une nouvelle occupation de la ville. « Nous en avons assez, des atrocités dans l’est de notre pays ».

« Nous avons une grande histoire avec les rébellions », constate Fiston Ketha, 36 ans, qui vit près de l’aéroport et a participé lundi à Goma à une grande manifestation contre le M23 et le Rwanda. « Comme les rebelles savent que la population est contre eux, quand ils vont arriver ils vont cibler les gens », craint-il. 

Lors de cette marche, beaucoup de manifestants demandaient à l’armée de leur fournir des armes, afin qu’ils puissent défendre la ville. 

Denise Kahambu, marchande de pagnes à Majengo, un quartier du nord de Goma, affirme d’ailleurs qu’elle n’a pas peur. « S’ils arrivent, nous allons les exterminer », lance-t-elle.

Avec AFP

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