RDC : Félix Tshisekedi répond aux questions des congolais (IV. Diplomatie)

TINA SALAMA : Des questions sur la diplomatie, il y en avait beaucoup également, Monsieur le Président la première après tous ces voyages à l’étranger, quelles en sont les retombées finalement sur le plan socio-économique pour le pays et pour la population ?

FELIX TSHISEKEDI : Bon, le plan Socio-économique, vous n’aurez jamais jamais, même s’il n’y en avait qu’un seul ou vous n’aurez jamais un voyage qui vous ramène immédiatement des retombées. Ca ne se mesure pas comme ça.

Des retombées, il y en a beaucoup. D’abord sur le plan diplomatique, le Congo était, j’allais dire en isolement, peut-être en immersion totale. On ne le voyait pas. On ne l’entendait pas à telle enseigne que lorsque nous avons commencé à dénoncer récemment ici, après l’agression rwandaise, les vraies intentions du Rwanda, nos interlocuteurs semblaient découvrir pour la première fois ou entendre pour la première fois ce genre de choses. Ça veut dire que le Congo avait cessé d’être présent.

Nous le voyons aussi lorsqu’aujourd’hui nous parlons d’environnement. Vous savez que le Congo se présente aujourd’hui comme le pays solution au problème du réchauffement climatique. Le Congo en était resté aphone pendant toutes ces années et c’est pas mal de dire que c’était le Congo d’en face et le Gabon qui avaient pris le lead dans ce domaine en ce qui concerne le bassin de la forêt du Congo, alors que nous sommes nous propriétaire au moins de soixante-cinq pour cent de ce massif forestier. C’est quand même étonnant que nous soyons restés comme ça absent de tout ça.

Idem pour les minerais stratégiques grâce auxquels aujourd’hui, on va avoir une transition énergétique, une transition industrielle. Le Congo était absent alors que c’est l’un des leaders mondiaux dans ce domaine. Et grâce justement à ces sorties, nous avons réussi à installer le Congo sur cet échiquier-là.

Et aujourd’hui, plus rien ne se fait sans que l’on parle du Congo. Je pense le mois prochain, nous allons recevoir ici deux leaders de deux grands pays, deux des plus grands avec le Congo, qui sont propriétaires de grandes forêts. Donc l’Amazonie, la forêt en Indonésie et la forêt équatoriale. Donc le Brésil, l’Indonésie seront ici le mois prochain pour justement montrer leur solidarité avec la RDC. Mais à travers la RDC, aux autres pays qui appartiennent au même bassin du fleuve Congo, qui vont maintenant nous permettre de pouvoir parler d’une seule voix et de défendre nos intérêts.

Nous sommes aujourd’hui, nous représentons le poumon du monde. Des engagements ont été pris à cet effet pour aider justement ces pays qui captent le carbone rejeté par les pays industrialisés, etc. Mais rien n’est fait, donc tout ça va nous permettre de devenir beaucoup plus fort et de parler d’une seule et même voix, une voix intelligible.

Alors vous voyez, toutes ces sorties ont servi à cela. A côté de cela, évidemment, il y a l’aide au développement qui a été renforcée. Aujourd’hui, la Banque mondiale a accru son soutien à la République démocratique du Congo grâce non seulement à notre bonne gouvernance, on pourra en parler si vous voulez, mais surtout aussi grâce à ces contacts qui ont attiré leur attention pour leur dire attention, quelque chose est en train de se passer aujourd’hui en République démocratique du Congo, nous sommes en train de changer de narratif, nous voulons changer de paradigme, mais nous voulons pour cela que vous nous accompagniez par des transferts de technologie, de savoir-faire, mais également peut être, pourquoi pas, aussi par vos soutiens qui vont nous permettre d’accroître nos efforts. Et vous avez vu que grâce à tout cela, aujourd’hui, nous avons un budget qui a quadruplé.

Nous avons des agences de notation qui ont grimpé la côte de la République démocratique du Congo. Nous sommes en train de finir le programme avec le FMI. Nous allons très bientôt envisager la cinquième revue Madame, ça n’a jamais été fait depuis que le Congo est Congo indépendant et même en passant par le Zaïre jusqu’à maintenant, on n’est jamais arrivé à cinq revues avec le FMI, ça s’arrêtait toujours à quatre dans le meilleur des cas. Aujourd’hui, on est à cinq et on va continuer si c’était possible. Donc c’est clair que les choses se passent autrement en République démocratique du Congo aujourd’hui. Et c’est grâce justement à ces sorties.

C’est vrai, j’entends souvent les gens dire oui, mais ce n’est pas la Banque mondiale, ce n’est pas le FMI. Ils n’ont jamais aidé un pays à se développer. C’est vrai, c’est vrai, mais ce n’est pas ça d’ailleurs, leur objectif, ça n’a jamais été leur ambition, ils se mettent aux côtés des États pour les accompagner en fixant ensemble avec ceux-ci les règles du jeu. Et ensuite, lorsque toutes ces revues se terminent, un programme est conclu et cela permet à cet Etat-là de devenir encore plus crédible aux yeux des autres et donc de s’ouvrir des lignes de crédit qui vont lui permettre alors à ce moment-là, de se développer, parce que l’ayant suivi pendant un certain nombre d’années, on s’est rendu compte qu’il est maintenant capable de se prendre en charge et de financer son développement.

C’est pour ça que nous nous étions à fond lancé dans cette aventure qui aujourd’hui est en train de nous donner des fruits, que Dieu en soit loué.

TINA SALAMA : Alors il y a tellement des choses à dire sur la diplomatie. Récemment, vous avez été en Chine, Monsieur le président, c’est une première. Ils veulent savoir les Congolais en en tout cas, beaucoup ont posé des questions sur la Chine, sur votre voyage. Est ce qu’il y a des bénéfices ? Est ce qu’il y en aura ?

FELIX TSHISEKEDI : Mais il y a déjà des bénéfices avec la Chine déjà de tout temps. Enfin, la Chine, c’est un partenaire depuis cinquante ans. Notre partenariat n’a pas commencé aujourd’hui. Quand vous voyez le Palais du peuple, le stade des martyrs, voilà, ce sont des retombées de nos relations avec la Chine.

Mais je vais vous dire simplement comment est-ce que l’idée de ce voyage est né et que la Chine a amicalement accepté de m’inviter. C’est simplement parce que je me faisais du souci au regard de ce que nous avons récolté comme partenariat. Vous savez que depuis quelques années, il y a une sorte de contrat signé avec des entreprises privées chinoises dont le but était minerais contre infrastructure. Mais quand on a fait le constat et l’IGF d’ailleurs est à ce sujet une référence qu’il faut vraiment prendre en compte et c’est celle-là que j’ai pris en compte. On se rend compte en fait que le Congo n’a rien gagné de tout ça. Au contraire, c’est quelques individus congolais, et la Chine, elle est restée dans le respect de ses engagements. Elle a eu les minerais comme il se devait, donc il s’est passé des choses pas correctes qu’il fallait revoir et c’est ce que j’ai fait comprendre à nos amis chinois qu’ils l’ont parfaitement compris. Je leur ai fait comprendre également que la République démocratique du Congo ne veut plus servir uniquement de terres d’extraction, rester qu’à donner nos terres à sortir ses minerais pour aller les transformer ailleurs et finalement nous revendre les produits finis encore plus cher. Donc nous perdons complètement. Donc je voulais qu’ils nous accompagnent dans ce que j’ai appelé l’industrialisation de notre pays. Je viens de vous parler ici des minerais stratégiques qui se trouvent chez nous.

Donc ça veut dire que les yeux des investisseurs du monde, des industriels du monde sont tournés vers le Congo, en tout cas, entre autres nations, vers le Congo. Donc nous devons en profiter. Nous devons jouer sur ça pour que cette industrialisation non seulement se réalise sur toute la nouvelle industrialisation dont on parle aujourd’hui.

L’industrie propre, l’industrie même qu’elle se réalise en partenariat évidemment, avec ces pays, ces grandes nations, investisseurs, et la Chine en fait partie, pour que nous allions dans une sorte de partenariat gagnant gagnant, que la République démocratique du Congo se retrouve avec ses industries, ses emplois créés, sa richesse créées et que les partenaires chinois se retrouvent aussi dans leurs investissements parce que nous allons développer la chaîne de valeur, si pas la totalité de cette chaîne de valeurs en République démocratique du Congo, en tout cas une partie importante de celle-ci. Quitte à dans ce partenariat, se retrouver tous heureux.

Voilà, le message est vraiment bien passé. Les Chinois l’ont très bien compris. Nous avons eu d’excellentes discussions et aujourd’hui, ils attendent évidemment la prochaine rencontre de la commission mixte pour que nous mettions sur table un plan de programmation de cette industrialisation. Et à ce moment-là, ils pourront dire dans quel domaine ils pourront nous accompagner, dans quel autre ils ne pourront pas. Donc c’était ça le but.

Ce qui m’a fait le plus fait plaisir là-dedans, parce que vous savez, moi, je tiens aux équilibres géopolitiques mondiaux. Je ne voulais pas donner l’impression à notre partenaire traditionnel que sont les Occidentaux, Américains, Européens, que ça y est, nous nous vous ignorons, nous avons un nouvel ami, tant pis pour vous. Je veux que tout le monde soit intéressé parce qu’il s’agit ici de la stabilité de mon pays. Je veux que ce pays soit stable, définitivement stable et que nous soyons vraiment tourné vers notre développement.

Et voilà pourquoi, dans ce que nous nous sommes dit avec le partenaire chinois, il y a aussi la possibilité, si le désir européen et américain, de les approcher et de les intégrer dans ces projets. Et c’est ça que j’ai beaucoup apprécié cette souplesse de la part des Chinois qui me convient parfaitement.

TINA SALAMA : Alors une question est-ce qu’on ne devrait pas rompre finalement complètement nos relations diplomatiques avec le Rwanda ?

FELIX TSHISEKEDI : Vous savez, j’ai toujours une approche différente de certains de mes compatriotes que je trouve beaucoup plus, passez mon expression, peut-être extrémistes enfin, mais je comprends, je comprends leurs sentiments.

Il faut toujours faire la part des choses entre le régime Kagame et le peuple rwandais. Le peuple rwandais est un peuple frère. Ce peuple restera toujours aux côtés, en tout cas au Rwanda, pays à côté de la RDC. Donc pourquoi rompre les relations avec ce peuple ? Ça n’aura aucun sens. D’abord parce qu’il y a déjà des mariages qui se sont faits, il y a des échanges économiques sur ce fonds commerciaux qui se font, c’est impossible. Donc vous le faites. Vous condamnez des centaines de milliers, voire peut être des millions de gens à la famine à cause d’un individu et de son régime.

Non, je ne crois pas que ce soit la solution, celle de rompre les relations diplomatiques. Je pense simplement que nous devrions continuer à mettre la pression diplomatique sur le régime de Kagame. C’est en train d’ailleurs de fonctionner. Rappelez-vous jusqu’au mois de mars passé on entendait encore des coups de feu sur la ligne de front là-bas. Aujourd’hui, il n’y a plus de coups de feu. Pourtant, ils avaient cette habitude de tirer sur nos positions et aujourd’hui, ce n’est plus le cas. C’est la preuve que ça marche. Aujourd’hui, il y a des rapports d’experts qui démontrent clairement que les RDF sont au Congo sont en train d’appuyer cette cohorte de terroristes du M23 afin de déstabiliser notre pays.

Donc je crois simplement que la diplomatie plus notre propre dissuasion en préparant nos troupes parce que les Rwandais, cette armée n’a profité que des faiblesses qui sont les nôtres. Ce n’est pas qu’elle est brave, plus téméraire que la nôtre, rien du tout. C’est simplement parce que notre armée était minée à cause justement de ces accords bidons qui se faisaient suite à des mixages, brassages, etc pour permettre justement à l’ennemi d’infiltrer ses espions chez nous, accords que j’ai refusés, que je continuerai toujours de refuser.

Donc voilà la guerre pour moi en tout cas du point de vue de la République démocratique du Congo, restera la dernière option. Nous comptons encore sur nos partenaires sur la communauté internationale pour qu’elle impose au Rwanda des sanctions si celui-ci continue plutôt de refuser de quitter le sol congolais. Et ce n’est que si sanction il y a et qu’on se rend compte que le Rwanda s’entête, que nous prendrons alors à ce moment-là (…)

TINA SALAMA : Ils disent Pourquoi vous vous entêtez à continuer avec la diplomatie, la diplomatie en tout temps, Même au temps de la crise, au plus fort de la crise, pourquoi ne pas carrément structurer notre armée et nous faire respecter ?

FELIX TSHISEKEDI : La diplomatie on ne la rompt jamais, sauf quand vraiment on est en terrain, j’allais dire en no man’s land. Tant qu’il y aura des hommes, il y aura la diplomatie. Même aujourd’hui entre Ukrainiens et Russes, la diplomatie même de l’ombre soit-elle, existe. Donc on ne rompt jamais la diplomatie. Je ne veux pas m’isoler aujourd’hui à cause d’un délire hégémonique de Kagame. Donc moi je continue de croire en la force de notre diplomatie.

Mais maintenant, en plus de la diplomatie, j’ai renforcé les capacités de mon armée. Donc je n’ai pas à craindre ce bourreau, donc le moment venu s’il n’obtempère pas, nous prendrons nos responsabilités, comme je l’ai dit, mais ça reste la dernière option.

TINA SALAMA : La dernière question sur la diplomatie, malgré la crise russo-ukrainienne, pourquoi ne pas se tourner carrément vers Vladimir Poutine, vers la Russie comme un partenaire stratégique ?

FELIX TSHISEKEDI : Mais la Russie, c’est un partenaire. Sauf que la Russie n’a pas vraiment l’habitude de beaucoup commercer en Afrique, il n’y a pas en République démocratique du Congo, remarquez partout souvent, c’est la coopération militaire. Mais pour ça, on a suffisamment d’alliés de ce côté-là. Si on avait des besoins, on se serait aussi adressé à eux.

Mais souvenez-vous en 2019 je crois, nous avons eu à nous rendre au sommet de Sotchi, Russie Afrique. J’y avais rencontré beaucoup d’hommes d’affaires, qui semblaient être intéressés par la République démocratique du Congo dans plusieurs domaines, mais je ne vais pas les forcer à aimer le Congo ou à venir au Congo. La porte du Congo est ouverte en tout cas pour tous ceux qui voudraient venir y faire des affaires qui seront prospères, à la fois pour eux mais aussi pour nos populations. Donc je n’ai pas de préférence.

Et quant à parler d’alliance stratégique, je ne sais pas ce qu’on entend par ça, mais il n’y a pas d’alliance stratégique qui ne soit pas défini. Il y a plein d’orientations qu’on peut prendre. Donc quand on la demande, on doit dire aussi pour quelle raison les gens voudraient qu’on fasse cette alliance stratégique.

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