RDC : Martin Fayulu, l’intransigeant jusqu’au-boutiste

Candidat malheureux de la présidentielle de décembre 2018, Martin Fayulu n’a jamais accepté sa défaite et croit toujours en ses chances de diriger la République Démocratique du Congo.

“Mes chances sont énormes”, disait-il lors de la précédente élection présidentielle il y a cinq ans. Son assurance venait du fait qu’il était le candidat consensuel des poids lourds de l’opposition congolaise pour battre le dauphin de Joseph Kabila. Ces derniers ont mutualisé leurs moyens financiers, leurs réseaux d’influence et leur popularité pour mobiliser la population derrière la candidature de Fayulu.

Le jour de l’annonce des résultats par la Commission électorale nationale indépendante, c’est plutôt Félix Tshisekedi qui est déclaré vainqueur. Félix Tshisekedi faisait partie des leaders de l’opposition qui s’étaient engagés à soutenir Fayulu avant de retirer sa signature peu après.

L’Église catholique et certains partenaires de la RDC soutiennent que les résultats publiés par la CENI ne reflètent pas la vérité des urnes. Ils soupçonnent le président sortant, Joseph Kabila, et son successeur d’avoir signé un accord politique, « un arrangement à l’africaine. »

Mais le camp Tshisekedi a toujours rejeté ces accusations.

Depuis, c’est cette « vérité des urnes » qui deviendra le cheval de bataille de Martin Fayulu qui se considère comme « président élu, vainqueur légitime de l’élection de 2018. » Pour lui, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a « fabriqué les résultats » pour orchestrer ce qu’il qualifie de « putsch électoral. »

La CENI a toujours nié avoir manipulé les résultats de la présidentielle de 2018.

Sauf que très rapidement, les personnalités et organisations qui remettaient en cause la véracité des résultats proclamés par la CENI et, par ricochet, la légitimité du pouvoir de Félix Tshisekedi commencent à changer de discours. Un à un, ils commencent à féliciter le caractère pacifique du transfert de pouvoir sans effusion de sang, à demander qu’on donne au pays la chance d’écrire cette nouvelle page de son histoire.

Martin Fayulu se retrouve seul dans son combat pour « la vérité des urnes. » Les tentatives de médiation pour rapprochement avec le camp de Félix Tshisekedi échouent car le « président élu » pose une condition : que le président de la République Démocratique du Congo reconnaisse lui avoir volé le pouvoir et qu’il le lui restitue. Sans ce préalable, pas de possible rapprochement.

Pendant ce temps, l’homme de Faden House multiplie ses piques médiatiques visant le pouvoir de Tshisekedi. Il réussit à organiser même quelques manifestations rassemblant des dizaines de milliers de ses partisans pour exiger la démission de Felix Tshisekedi.

Dans certains cercles de la capitale Kinshasa, le nom Fayulu était devenu synonyme d’intransigeant, jusqu’au-boutiste, celui qui ne lâche rien.

Le temps a eu raison de son alliance avec l’ancien gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi, et avec l’ancien premier ministre Adolphe Muzito.

Les tractations se poursuivent encore pour trouver un candidat consensuel de l’opposition. En attendant, Martin Fayulu a démarré sa campagne électorale en mettant en avant sa constance et ses critiques répétées de la gestion du pays par le président sortant.

Un long parcours dans le privé

Né à Kinshasa le 21 novembre 1956, Martin Fayulu a effectué une partie de ses études de gestion en France et aux États-Unis.

Titulaire de deux maîtrises, une en économie générale de l’Université de Paris et une autre en administration des affaires de l’Université européenne d’Amérique à San Francisco, aux États-Unis, Martin Fayulu s’est fait une place dans le monde impitoyable des affaires.

Ancien cadre d’Exxon Mobil, il a passé deux décennies au sein de la compagnie pétrolière américaine. Il y a gravi les échelons en occupant des postes stratégiques dans le top management aux États-Unis, en France, au Nigéria et au Mali.

Son dernier poste a été celui de directeur général de la société en Éthiopie.

Engagement politique

Son engagement politique a débuté en 1991 après sa participation à la Conférence nationale souveraine qui avait réuni des délégués de différentes régions, partis politiques, organisations de la société civile et même des chefs traditionnels pour exiger la démocratie multipartite.

A l’époque, le pays était dirigé par le Maréchal Mobutu Sese Seko sous le régime du parti unique.

En 2009, Martin Fayulu crée le parti ECIDE, (Engagement pour la Citoyenneté et le Développement) dont il prend la tête.

Le ton tranchant de son discours politique l’a permis de séduire une bonne partie des jeunes en quête d’alternatives socio-politique. Il a été élu député provincial de 2006 à 2011 puis député national de 2011 à 2018.

Lors des manifestations prodémocratie de 2016 et 2017, Martin Fayulu est très présent sur terrain. Ses partisans le surnomment « le soldat du peuple» et le décrivent comme un leader plein de convictions, ouvert d’esprit et proche de sa base électorale.

Si ses proches louent un homme rigoureux et de principes, des observateurs de la scène politique congolaise reprochent à Martin Fayulu le manque de pragmatisme politique.

Les sujets de sa campagne

Martin Fayulu a réaffirmé sa volonté de changement et d’amélioration du pays. Le président du parti ECIDE, (Engagement pour la Citoyenneté et le Développement) a récemment exprimé sa volonté de mettre en place une armée de 500 000 personnes, bien formée et bien équipée. Cette proposition vise à renforcer la sécurité dans le pays et à garantir des élections transparentes et impartiales.

En 2018, Fayulu affirmait déjà vouloir rétablir la sécurité dans le pays touché par le conflit et prévoit de déplacer la principale base logistique de l’armée de Kinshasa vers l’est, épicentre de la violence.

Lors d’une récente rencontre avec la population dans la ville de Bagata, dans la province du Kwilu, Martin Fayulu a également souligné l’importance de la vigilance et de la surveillance le jour du scrutin, afin de prévenir toute tentative de fraude électorale.

Au-delà de ses promesses de sécurité et de transparence électorale, Martin Fayulu a également axé sa campagne sur des thèmes tels que l’économie, l’éducation et l’accès aux services de santé. Il s’est engagé à lutter contre la corruption et à promouvoir les investissements dans les secteurs clés afin de favoriser la croissance et l’emploi en RDC.

Il vise également à modifier les contrats miniers et pétroliers au profit du pays et souligne que sa carrière chez Exxon Mobil l’a préparé à ce poste.

Par BBC/ Ousmane Badiane

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